Saturday, September 26, 2009

Le révisionisme historique et la campagne de Suisse en 1799
Le révisionisme historique en vogue dans la Russie postmoderne de Medvedev
et Poutine n'a pas épargné la Suisse. Dans sa version online, la Moscow Times confirme que le Maréchal Souvorov, par son intervention, aurait chassé les Français de la Suisse et contribué au rétablissement de la neutralité de notre pays. Cela est trop beau pour être vrai, et à celles et ceux qui aimeraient savoir mieux comment la campagne militaire de 1799 s'est déroulée, Osservatore Profano recommande la lecture du livre de Nicole GOTTERI: La campagne de Suisse en 1799 "Le choc des géants", paru chez Bernard Giovanangeli, Paris 2003 ISBN 2-909034-35-6.
En effet, il y a exactement 210 ans, le 26 septembre 1799, pendant que les troupes russes de Souvorov réussirent à franchir le Pont du Diable et d'avancer jusqu'à Altdorf, l'armée française commandée par le général Masséna prit d'assaut la ville de Zurich après le refus des forces austriaco-russes de convenir à une retraite en ordre.
Nicole Gotteri écrit, en page 124 de son livre:
"...pour essayer d'épargner à la Ville (de Zurich)les suites prévisible d'une prise d'assaut,Masséna crut devoir user de la voie des négotiations. Ce geste est tout à son honneur, contraitement à ce que Korsakov (commandant des forces alliées sur place), sans doute pour se justifier, insinua dans ses rapports au tsar et à Souvorov, lui-même ayant retenu le parlementaire français, le brigadier Ducheyron,
envoyé le 25 au soir au mépris des usages de guerre et ayant différé de donner une réponse..."

Il est très facile de comprendre que si aujourd'hui les historiens russes basent leur appréciation des évènements du 26 septembre 1799 exclusivement sur les archives
de l'empire du 18ème et 19ème siècle, ils arrivent facilement à une interprétation très diffèrente non seulement de la seconde bataille de Zurich et des raisons pour le carnage qui a sans doute eu lieu dans la ville lors de l'assaut des troupes françaises sur les troupes russes en complet désordre mais aussi de toute la campagne de Souvorov.
Souvorov lui-même, ce jour là, après avoir franchi le Saint-Gothard au coût de la vie de 2000 hommes, a en effet réussi a franchir la Schöllenen défendu ce jour la par des forces françaises en retraite tactique.
Nicole Gotteri:
"Le général en chef russe ignorait encore les résultats des batailles engagées sur le lac de Zurich. Il comptait toujours rejoindre Hotze (général autrichien d'origine suisse tué lors des combats dans la plaine de la Linth) à Schwytz et marcher sur Lucerne. Pour gagner Schwytz il renonça le sentier qui passait par Flüelen Sisikon et Brunner car il révélait son mouvement à Lecourbe (le général de division français à la tête des troupes dans la vallée de la Reuss, dans la haute vallée de l'Aare et dans le Haut Valais qui s'était replié à Seedorf sur la rive gauche de la Reuss).
Il préféra emprunter le Schächental, le col de Kinzig, le Wängital pour aboutir au hameau de Muotathal...."


Les suites sont connues. Souvorov sera refoulé du Muotothal, il devra passer dans le Linthtal d'où il essayera de passer vers le lac de Zurich, il sera repoussé vers Elm et franchira, dans la neige, avec ce qui reste de ses troupes durement éprouvées, ayant perdu pratiquement tous son matériel y inclus les vivres, le Panixerpass pour descendre dans la vallée du Rhin d'ou il retirera son armée du territoire suisse.
Nicole Gotteri:
D'après les estimations de l'historien russe Miliutin, les effectifs sous le commandement de Souvorov en date du 1er septembre avaient été 706 officiers et de 20579 hommes.... A l'arrivée à Coire, 8 octobre, 14000 hommes étaient encore présents; la perte totale se montait à environ 6000 hommes. En outre,Souvorov avait perdu toute son artillerie et tous ses bagages..."

Il y a lieu de mentionner à cette occasion la communication catastrophique entre les commandements suprèmes des troupes de coalition, notamment le tsar et l'empereur autrichien François, frère du commandant des troupes austro-russes en Suisse, le'archéduc Charles, et l'atmosphère glaciale, et en partie franchement hostile entre les commandants dans les terrain.
Le contrast avec l'habileté de conduite, l'usage des renseignements, l'esprit d'invention du génie militaire dans la préparation de passages fluviaux (Limmat, Linth) du côté français est frappant.

Finalement, il faut signaler que la campagne en Suisse de 1799 a été fratricide.
Du côté français, il y avait plusieurs bataillons helvétique, du côté de la coalition un régiment (Roverea) et des paysans en révolte contre les troupes d'occupation françaises.
Inutile de vouloir nier la rupture qui reignait dans notre pays en cette période sanglante, et dangereux de vouloir glorifier la coalition en dénigrant les troupes françaises. Une chose est sure: l'expérience des fureurs de la guerre sur notre territoire a permis aux Suisses de mieux réflêchir sur leur façon de gérer un pays
d'une extrème inhomogénéité culturelle, et a accepter l'acte de Médiation proposée par Napoléon en 1805. Les leçons de la campagne de 1799 étaient bien apprises en novembre 1847, lorsque sous la direction du général Dufour, le Sondrebond a été écrasé par une campagne militaire qui a été charactérisée par un historien américain, Joachim Remak, comme "une guerre très civile" (A Very Civil War) ou, dans le titre de la traduction allemande du livre: "Bruderzwist, nicht Bruderkrieg"

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